Cédric Rostein (CR) ? Bonjour cher.es auditeurices, merci pour votre soutien ici, et sur les réseaux sociaux. Vous avez maintenant aussi la possibilité de me soutenir grâce à l’abonnement “Papatriarcat +”. Il vous permet d’accéder à du contenu exclusif, sans publicités, et même en accès anticipé. C’est l’occasion de découvrir par exemple le bonus de l’épisode avec Isabelle Filliozat sur la parentalité positive. Rendez-vous sur le lien, en description du podcast. 

Générique

CR ? Bienvenue dans cet épisode dans lequel j’ai l’honneur et le plaisir de recevoir Éric Delemar, défenseur des enfants. Alors, il explique son rôle mieux que moi en début d’épisode donc je ne vais pas m’attarder dessus. Ça sera d’ailleurs l’objet de mes premières questions. Je peux tout de même préciser qu’il est rattaché à la Défenseure des droits qui est une autorité administrative constitutionnelle qui veille au respect des droits et des libertés. Alors j’avais beaucoup, beaucoup de questions à lui poser, sur le sujet des droits de l’enfant qui peut paraître lointain pour la plupart des gens, notamment dans ma génération, on ne nous l’a pas forcément enseigné, on ne sait pas forcément ce que c’est, on ne sait pas tout ce que cela implique. Donc nous allons commencer par définir son rôle, d’abord, puis nous ferons un point sur l’état des droits de l’enfant dans notre pays. Nous parlerons bien-sûr du dernier rapport sur la vie privée de l’enfant (le lien sera en descriptif de l’épisode), ensuite j’ai quelques autres questions que j’aimerais lui poser : est-ce que finalement, toutes ces histoires de violences éducatives ordinaires (les fameuses VEO), ce n’est pas juste un truc de “bobo bourgeois blanc” qui n’aurait que ça à faire de se poser des questions, ou bien est-ce que c’est un vrai sujet, est-ce que c’est le terreau de violences considérées comme plus graves voire de violences dans la société ? Que penser de la promotion dans les médias notamment sur le service public, de l’isolement des enfants dans leur chambre à visée punitive, ce que j’appelle moi l’enfermement des enfants ? Un point important sera la définition de l’intérêt supérieur de l’enfant, parce que ce n’est pas si simple, en fait. C’est une notion qui est en mouvement permanent, ce qui la rend parfois difficile à appréhender même souvent, on ne peut pas se le cacher. Je lui demande aussi si et comment les droits de l’enfant, positionnés comme un sujet central dans la société, peuvent être moteurs pour faire évoluer les droits de tous et toutes, à commencer par les parents et à commencer par les mères, bien entendu, celles qui aujourd’hui sont plus en souffrance lorsque l’on parle de sujets éducatifs. Parce que moi je pense personnellement que le sujet des droits de l’enfant, eh bien c’est un sujet qui peut et qui se doit d’être fédérateur. Une fois qu’il est bien accompagné et qu’on a mis les moyens, qu’il ne soit plus un sujet d’opposition comme ça peut l’être aujourd’hui. Il expliquera aussi toute la portée politique et sociale alors que la pression est mise sur les parents. Enfin, il adressera un message direct, justement aux parents qui partout font de leur mieux. Commençons tout de suite par ma première question Éric Delemar : le Défenseur des droits, c’est quoi ? Je vous souhaite une très bonne écoute.

Éric Delemar (ED) ? Eh bien le Défenseur des droits est une autorité administrative constitutionnelle qui défend les droits, qui veille au respect des droits et de nos libertés, et  qui donc autorise bien entendu la Défenseure des droits à rappeler aux institutions (administratives, aux fonctions publiques ou à toutes les associations qui ont une mission de service public) eh bien, le droit. 

CR ? D’accord. Le droit, c’est-à-dire la loi, ou est-ce qu’il y a des choses qui ne sont pas encore couvertes par la loi française mais que le Défenseur des droits défend ? 

ED ? Alors, le Défenseur des droits intervient dans cinq domaines de compétences : le premier qui je dirais était ancestral c’est la médiation des services publiques dans la réforme constitutionnelle de 2008 et la loi organique en 2011, qui a vraiment institué les défenseurs des droits. Ça a été la fusion de cinq grandes compétences : à l’époque, le médiateur de la république qui reste aujourd’hui la grande majorité de nos saisines puisque c’est 80% des 126 000 instructions des services du Défenseur des droits. Donc c’est toute la difficulté de nos concitoyens vis-à-vis des relations avec les services publics, pour obtenir leur retraite, le RSA, etc. Et derrière ça c’est vraiment important parce que, en tant que Défenseur des enfants, eh bien dans ces situations-là il y a des familles, et dans les familles, il y a des enfants. Et quand les parents sont empêchés, par exemple le droit des étrangers, vous avez une difficulté parce que la préfecture ne vous répond pas, n’instruit pas votre dossier de reconduite de carte de séjour, eh bien il y a des enfants derrière qui peuvent en subir les conséquences. Mais c’est aussi la fusion avec la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations, et c’est quelque chose que nos concitoyens connaissent moins : le Défenseur des droits veille au respect des règles de déontologie des forces de sécurité, ce que l’on appelle la violence légitime, c’est-à-dire les forces de police, de gendarmerie et les services privés de sécurité, depuis quelques années est incarné par l’une de mes collègues qui est arrivée l’année dernière, nous sommes aussi là pour protéger et orienter les lanceurs d’alertes : ça c’est vraiment très important. Et bien entendu, le Défenseur que je suis veille au respect des droits de l’enfant, conformément aux engagements de la France et notamment la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. 

CR ? On va y revenir juste après, juste, si j’ai bien compris : le rôle du Défenseur des droits c’est de s’assurer que les droits du citoyen et de la citoyenne soient respectés face à l’administration ? 

ED ?  C’est ça. Nous ne sommes pas ce que l’on appelle des services de première intention, nous ne remplaçons pas, en matière d’enfance, nous ne remplaçons pas l’école, la protection de l’enfance et bien entendu nous ne remettons pas en cause les décisions judiciaires, mais nous pouvons faire des observations en justice, ce que l’on appelle amicus curiae qui signifie “ami de la cour”. Nous ne prenons pas position mais nous rappelons un peu je dirais le droit et la neutralité du droit et l’intérêt supérieur de l’enfant. Ça va de l’observation en référé liberté pour un jeune mineur qui serait mis en centre de rétention administrative jusqu’à la cour Européenne des droits de l’homme. La Défenseure des droits l’a fait l’année dernière dans le cadre des difficultés de rapatriement des enfants des théâtres de guerre et notamment la Syrie. 

CR ? Donc vous, vous êtes Défenseur des enfants. 

ED ? C’est ça. 

CR ? De tous les enfants ? 

ED ? Voilà. Alors oui, c’est important : de tous les enfants qui vivent en France, qu’ils soient français ou étrangers, et de tous les enfants français qui vivent à l’étranger. 

CR ? Ok.

ED ? Ma mission en tant que Défenseur des enfants, c’est bien entendu de défendre les droits des enfants chaque fois que nous avons connaissance avec la Défenseure des droits des atteintes aux droits fondamentaux, et depuis que nous sommes arrivés, c’est-à-dire depuis 3 ans, c’est plus de 10 000 instructions concernant des atteintes aux droits des enfants. Et puis mon autre travail, avec la Défenseure, c’est de promouvoir, de défendre les enfants et de défendre les droits des enfants en les faisant connaître, parce que les enfants ignorent bien souvent leurs droits. Quand vous demandez à un enfant quels sont ses droits, il vous répond souvent : “Eh bien, je dois faire ceci, je dois faire cela”. Il parle de ses devoirs. 

La loi sur l’autorité parentale a bougé, même si parfois, on voit bien que (et notamment, on en parlera sans doute, sur les violences éducatives ordinaires) l’on a du mal encore à sortir de la “puissance paternelle” que l’on arrête au début des années 70, et aujourd’hui on est dans le bon exercice de l’autorité parentale et celle-ci s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. 

CR ? Alors vous évoquez un point historique important que je vais me permettre de préciser. En effet, il a fallu attendre 1970 pour attendre que le terme “puissance paternelle” disparaisse de nos textes et que cela soit remplacé en France par le terme “autorité parentale”. C’est assez fou car c’était hier, mine de rien. Vous, du coup, sur quels textes vous appuyez-vous pour pouvoir agir pour les droits de l’enfant ? 

ED ? Alors bien entendu, tous les droits, tout le droit positif, tous les droits fondamentaux et constitutionnels que sont le droit à l’éducation, le droit à la santé, l’assistance éducative de 1958, la protection administrative en 59, mais fondamentalement, c’est la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. C’est-à-dire que nous rappelons aussi à la France, qu’elle a ratifié, qu’elle a fait partie aujourd’hui des 196 pays, et plus qu’en avoir fait partie, elle a été un des précurseurs (parce que, rappelons-le, en 1990, François Mitterrand, président de la république dit “Parce que la France a cette histoire et cette culture en matière des droits de l’homme, eh bien elle se doit en toute humilité d’être exemplaire, en matière des droits de l’enfant”) Ce ne sera pas facile car petit humain ne veut pas dire petits droits, mais la France doit être motrice dans cette ratification. Et il dit quelque chose de formidable : “Parce que les enfants n’ont pas le droit de vote, parce qu’ils n’ont ni influence politique ou économique, mais parce qu’ils sont l’avenir de l’humanité, notre avenir, eh bien le monde s’est doté de la convention internationale des droits de l’enfant”, parce qu’encore une fois, petits humains ne veut pas dire petits droits. Dans nos réclamations, dans nos saisines, quand nous interrogeons les services publics ou d’autres, ils disent : “Mais oui, on connaît le droit, puisque nous sommes dans un pays de droits, avant 1989 il y avait des droits.” Mais on oublie deux choses fondamentales, et quand je résume la convention internationale des droits de l’enfant et notamment quand je l’explique aux enfants, je parle de deux articles fondamentaux : l’article 3, l’intérêt supérieur de l’enfant, et l’article 12, le droit d’exprimer librement ses opinions sur tous les sujets qui concernent les enfants et d’être entendus dans toutes les procédures, lorsque l’on est en âge de discernement, mais on pourra y revenir aussi. L’intérêt supérieur de l’enfant, c’est fondamental. Les institutions ignorent parfois que la CIDE (convention internationale des droits de l’enfant) est la valeur supra, et que donc, ratifier la CIDE, c’est s’engager à l’intégrer dans le droit positif et dans le droit interne. C’est pour ça que la cour de cassation et le conseil d’État, régulièrement, ont rappelé l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est-à-dire l’intérêt supérieur de l’enfant au moment où, encore une fois, François Mitterrand le ratifie : c’est parce que les enfants sont plus vulnérables que les adultes, parce qu’on doit les protéger. On protège et on émancipe, on ouvre, on conduit vers. Parce que de tous les êtres qui peuplent la planète, les enfants sont ceux qui ont la plus grande capacité d’éveil, d’émerveillement, d’apprentissage, d’ouverture au monde. Les neuroscientifiques le disent très bien : les synapses, les connexions du cerveau de l’enfant sont maintes et maintes fois démultipliées par rapport aux meilleurs ordinateurs du monde. Mais d’un point de vue du droit, l’intérêt supérieur de l’enfant c’est l’indissociabilité et l’interdépendance des droits. C’est-à-dire que si droit à la protection, c’est une protection contre toutes les formes de violence (on y reviendra); droit à l’éducation, à la santé, c’est clairement “vous avez de bonnes notes à l’école mais vous êtes en danger à la maison”. Eh bien votre intérêt supérieur et l’enfant compensent, sur compensent peut-être l’école à ce moment-là, mais à un moment donné, l’enfant ne va pas bien. Donc, l’interdépendance des droits, c’est quelque chose de fondamental, et ça c’est quelque chose que le Défenseur des droits défend. Le cloisonnement de nos institutions publiques, nos institutions font que l’enfant est saucissonné : de telle heure à telle heure il est élève, de telle à heure, il est malade, il est patient, de telle heure à telle heure il est enfant en danger, de telle heure à telle heure il est enfant en situation de handicap, parfois enfant agressif. Et on oublie, d’abord, qu’il a un statut d’enfant et qu’il n’est pas au sens figé, mais qu’il est en permanence en construction, parce que l’enfant dépend éminemment des intéractions sociales pour grandir. 

CR ? Quel constat, vous Défenseur des enfants, faites-vous sur le respect des droits de l’enfant aujourd’hui en France ?

ED ? Alors il y a des choses qui sont factuelles, et des choses qui sont à la fois positives et un peu inquiétantes pour le Défenseur des enfants que je suis. Les choses positives, c’est que nous n’avons jamais autant entendu parler des droits de l’enfant, nous n’avons jamais autant entendu parler des violences : on a vu les travaux de la CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) pour lesquels la Défenseure des droits et le Défenseur des droits ont été entendus, les travaux de la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants), la ministre des sports a pris à bras le corps aussi les questions de violence dans le sport, l’aide sociale à l’enfance, la protection de l’enfance, mais tout en évoquant ces sujets qui ne sont plus considérés comme moins importants que les autres et qui font partie de l’actualité, eh bien malheureusement, les violences augmentent. Une étude récente du ministère de l’intérieur pointe une augmentation des violences intra familiales (pas dans les violences conjugales, même si l’on sait que les violences conjugales ont toujours des répercussions sur les enfants, les enfants ne sont pas seulement témoins des violences mais victimes à part entière, ils ne sont pas co victimes mais victimes), une augmentation de 16% en un an des violences intra familiales sur les enfants et une augmentation de 7% des violences sexuelles sur enfants. Les chiffres de la protection de l’enfance : 2020 on était à 308 000 enfants accompagnés en protection de l’enfance, aujourd’hui on est à plus de 370 000. On voit donc bien toutes les difficultés. Je crois que, encore une fois, il faut parler des violences insupportables, les violences les plus graves. Mais quand on évacue les violences éducatives ordinaires, on est dans la non prise en compte (comme je disais tout à l’heure, petit humain ne veut pas dire petits droits). Il nous faut reconnaître qu’au fond l’enfant devient détenteur de l’ensemble des droits de l’homme dès sa naissance. Et ce n’est pas parce qu’on n’est pas citoyen, qu’on n’a pas 18 ans et qu’on n’a pas le droit de vote, qu’on n’a pas des droits fondamentaux. Et toutes ces violences éducatives ordinaires sur lesquelles on reviendra, font le lit, le terreau de violences. Je ne dis pas que tous les parents et tous les adultes qui ont des postures qu’ils peuvent regretter parce que intervenues sous l’emprise de la colère (même s’il faut décomposer comment cette colère arrive, comment le passage aux mots n’est plus possible et comment on passe à l’acte), mais la répétition des violences éducatives ordinaires fait le lit et déculpabilise les adultes de toucher, de marquer le corps des enfants. 

CR ? Sur le sujet des chiffres qui augmentent, n’est-ce pas parce que l’on tolère moins la violence dans les foyers, qu’on les signale plus, peut-être ? 

ED ? Alors, ce que vous dites là est clairement dit par les chercheurs, les sociologues : en passant de la puissance paternelle, (où l’on ne se posait pas la question), au bon exercice de l’autorité parentale, on voit apparaître de nouveaux termes : la bienveillance. Mais derrière tout ça, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’au fond, par la loi, on incite les parents, et c’est parfois ce qui peut mettre en difficulté dans un monde de pressions sociales, de pressions économiques, de pressions au travail, d’expliquer, de prendre le temps de. Ce n’est plus “oui, non, j’ai parlé”, comme à l’armée, quand le général parle, le capitaine exécute. Eh bien c’est pareil, quand les parents parlaient, boum. Bien-sûr que ça n’a rien à voir avec l’absence de respect de ses parents ou d’obéir, mais aujourd’hui on a besoin d’expliquer, et expliquer ça prend du temps. Quels mots je choisis, de quel temps je dispose ? Quand on regarde les dix prochaines années, on se dit qu’on a le temps, mais lorsque l’on regarde les dix dernières, on se dit “c’est passé tellement vite, notre enfance est passée tellement vite, ce temps de l’insouciance”. Et c’est ça qui fait que l’insouciance permet de grandir, c’est parce qu’elle a été épargnée des violences éducatives ordinaires, et donc d’une autorité parentale, d’une autorité d’adulte d’ailleurs en général, bienveillante.

Et donc c’est ça qui fait qu’on est dans une période de l’histoire, un sas où effectivement les progrès humains ne vont pas aussi vite que les progrès technologiques.

CR ? Alors dans votre dernier rapport (puisque je le rappelle, une de vos missions c’est de produire un rapport chaque année et le dernier rapport, c’est sur la vie privée de l’enfant), il y a de nombreuses situations qui sont évoquées, qu’en est-il de leur exposition sur les réseaux sociaux et est-ce que l’apparition de son enfant sur ces derniers, ce que je peux moi-même faire, contrevient aux droits de l’enfant ?

ED ? Alors, oui, vous avez rappelé le fait qu’avec la Défenseure, notre obligation – qui n’est pas une charge mais un réel engagement et un réel plaisir de rédiger, en plus nous le rédigeons avec une équipe formidable aux Défenseurs des droits, l’année dernière ce sont 1100 enfants qui ont participé à ce rapport, à ces 70 auditions avec des experts (des grands Professeurs en droit, en psychologie, mais ce sont aussi des experts du quotidien, ce que moi j’appelle des cliniciens, des professeurs, des éducateurs, des infirmiers, des animateurs, des parents, etc). Et effectivement, avec Claire Hédon, nous disons dans ce rapport qu’au fond l’émergence et l’omniprésence du numérique est venu complètement déséquilibrer, déstabiliser ce qui était de la sphère privée et de la sphère publique. Les enfants trimballent avec eux leur vie privée en permanence puisqu’ils ont leur smartphone. C’est-à-dire que certains en ont encore, mais c’est globalement fini l’époque du journal intime qui était caché dans la table de nuit ou entre le sommier et le matelas, et si jamais quelqu’un, même en prétextant avoir voulu ranger quelque chose, l’ouvrait, c’était insupportable. Et aujourd’hui on n’a pas suffisamment sensibilisé les enfants, d’ailleurs c’est une de nos recommandations avec la Défenseure, cette sensibilisation aux enfants et que l’éducation numérique soit inscrite dans le code de l’éducation nationale. On n’a pas assez sensibilisé les enfants : “Attention les enfants, vous allez éminemment parler d’intime, dans une technologie qui par définition est publique, les copains d’aujourd’hui ne sont pas forcément les copains de demain” et, donc, on assiste à quoi concrètement ? Eh bien, toutes les violences éducatives ordinaires qui avaient lieu par exemple je pense à l’école, notamment dans ce que certains enfants appellent des toilettes, zone de non-droit, l’hygiène pas sécurisée, nous-même pas sécurisés. Eh bien aujourd’hui en plus, quand les portes sont ajourées à 50 cm du sol, on peut filmer maintenant. Et cette question de la tyrannie de l’image, cette question de “likez-moi, montrez-moi que j’existe”, pour les enfants les plus fragiles, elle est éminemment dangereuse. Et donc, que nous ont dit les enfants ? Les enfants de 7 ou 8 ans nous ont dit : “Mais, M. le Défenseur des enfants, est-ce que vous pourriez dire à nos parents d’arrêter de nous mettre sur les réseaux. Cet été j’étais en maillot de bain sur la plage, et ma photo, elle était sur les réseaux.” Vous comprenez la différence générationnelle et la révolution numérique ? Ce n’est plus l’album photo que l’on regarde ensemble dans l’intimité et dans la sécurité de l’intimité avec ses parents, ses grands-parents, ses oncles, etc. le dimanche à la maison. Là, ce sont les réseaux sociaux. Et comment on peut (alors ça se fait sans le consentement de l’enfant, sans informations, avec un naturel tellement déconcertant), quand on regarde aujourd’hui les risques, pour les petits, on devrait s’abstenir c’est une évidence. Et ce n’est pas facile pour les jeunes parents, ce n’est pas facile pour les enfants, puisque des émissions à la télé vont même prôner ça, des stars vont partager le quotidien de leurs enfants. Le pyjama, le dîner, le coucher, etc. On voit bien que l’on répond à une angoisse des adultes d’être devant la scène. Mais les enfants sont des victimes collatérales de ça. Il ne nous pas échappé qu’il y a des navettes parlementaires en ce moment, des députés justement ont voté quelque chose autour de la majorité numérique et attirent l’attention des parents sur la protection de l’image. Comme je disais tout à l’heure, le corps des enfants n’appartient pas à ses parents, protéger un enfant ce n’est pas être possesseur de son corps. Eh bien les parents doivent donner leur autorisation à l’école, au centre social ou au centre aéré, de filmer, c’est l’autorisation du droit à l’image. Ça ne veut pas dire que eux-mêmes ne doivent pas respecter ce qu’ils reprocheraient aux institutions. Bien entendu, la grande majorité des parents aujourd’hui en ont bien conscience, ils le voient bien. D’ailleurs les enfants appellent même à cette protection. C’est un exemple très concret du fait que petit être humain ne veut pas dire petits droits, qu’au fond, les enfants ne sont pas considérés comme des alter ego, un autre soi, un autre que soi, parce que si l’on faisait ça entre adultes, vous imaginez ? Prendre la photo de quelqu’un en maillot de bain ou en pyjama et que sans son consentement on la publiait, ça serait insupportable. 

CR ? Très bien. Je vais mettre ça dans un cas très concret. Moi-même je partage des images de ma fille quand on joue ensemble, par exemple, sur les réseaux sociaux : je ne respecte pas ses droits ?

ED ? La réalité est nuancée. Je vais vous demander, quel âge a votre enfant et si elle est en âge de décider, si vous avez eu une discussion avec elle inscrite dans une bienveillance habituelle, c’est comme un parent qui est coach de basket, qui entraîne une équipe et qui met des photos de son fils, joue avec son fils, et ça dépend aussi du réseau, et avec qui vous partagez. Que vous ayez bien informé votre enfant. Par exemple, si c’est sur whatsapp, c’est sécurisé et je sais que les parents, les grands-parents, les amis ne vont pas transmettre les photos, mais si ce n’est pas le cas, les enfants ne sont souvent pas informés que la technologie permet ça. Bien-sûr il y a le droit à l’oubli sur l’image, mais c’est compliqué pour les enfants, ils ne font pas les démarches, les parents non plus, pas suffisamment. Au fond, cette image, elle ne vous appartient plus. C’est pas l’image, c’est pas la photo de notre enfance, je la trouve pas bien je la jette je la détruis, non, elle ne vous appartient plus. Encore une fois il faut donc que ça soit fait en tout état de cause. Les enfants ont-ils été informés et sensibilisés : à quoi ça sert ? Je ne dis pas que ça ne sert pas, mais à quoi ça sert ? À qui ça fait du bien ? Il s’agit exactement des précautions que vous prendriez si vous allez faire un jeu avec un ami, “tiens au fait je vais mettre ça sur les réseaux qu’est-ce que tu en penses, est-ce que tu es d’accord ?”

CR ? Alors ma fille a 4 ans et demi. Ça fait un petit peu moins d’un an que j’ai autorisé le fait qu’elle apparaisse sur les réseaux. On en a parlé ensemble mais vous allez me dire à 3 ans, voilà. Je me suis mis des gardes-fou : quand on joue ensemble et qu’elle ne veut pas que l’on prenne de photos tout court, on n’en prend pas, quand elle ne veut pas que je les partage, je ne les partage pas, et quand elle est ok, parfois même on le fait ensemble. Mais, il ne faut pas se leurrer, je ne vais certainement pas appeler ça un consentement éclairé, concrètement elle ne sait pas qu’il y a des milliers de personnes qui peuvent voir sa photo et on ne sait pas qui va la voir, par ailleurs. Donc voilà, c’est quelque chose qui me questionne, vous voyez ? Et je me dis qu’en effet il y a sûrement une pratique à travailler, à modifier, à adapter. 

ER ? Il y a de la souplesse, bien entendu. C’est complètement différent de mettre ses enfants en scène dans le quotidien et… en vous écoutant je repensais à… alors les enfants ne regardent plus beaucoup la télévision aujourd’hui à part des dessins animés quand ils sont tout petits mais, rappelons-nous des programmes des années 1970 et 80, souvent les enfants étaient en train de jouer derrière le club ceci, le club cela, avec les animateurs. Les enfants jouaient, ils faisaient des dessins. Je me rappelle d’un animateur qui faisait comme Dorothée avait fait à d’autres moments, les enfants étaient là, ils avaient été préparés dans des activités éducatives et ça s’était fait bien entendu avec le consentement des parents. C’est bien différent de ce qui se passe aujourd’hui ; aujourd’hui, tout le monde prétend avoir une image un peu publique, au fond. L’image publique doit être préparée, elle doit aussi être préparée pour les adultes, et on le fait, d’ailleurs. Sauf que les enfants, comment font-ils pour se défendre ? Quels recours ont-ils ? Ils sont totalement dépendants des adultes pour ce recours-là, et puis ils ne vont pas oser dire les choses. L’exemple que je prenais tout à l’heure, l’enfant de 8 ou 9 ans en maillot de bain sur la plage; le respect de son intimité. Si vous voulez, ce rapport sur la vie privée de l’année dernière, il vient dire des choses importantes. Si vous et moi savons bien que la vie privée c’est la possibilité pour nous d’être préservés du regard d’autrui, eh bien pour l’enfant ce n’est pas comme ça. Quand il naît, qu’il est tout petit, il faut avoir un œil sur lui tout le temps, pour le protéger. Et plus il grandit, plus il va vouloir marquer, à un moment donné il va éteindre lui-même la lumière dans sa chambre, il va fermer la porte. Donc il n’y a pas de droits à la vie privée sans respect de l’intimité, sans respect de sa pudeur, de son corps. Moi je ne veux pas être mis en scène en sortant de la salle de bain, en sortant de ma chambre ou à la plage. Et puis il n’y a pas de respect de la vie privée sans le droit à l’imaginaire; une fois que votre fille va être plus grande, elle ne va pas le dire comme ça mais à un moment donné elle va avoir cette discussion avec vous : “je grandis, je deviens adolescente”, vous allez devoir vous mettre d’accord sur qui elle reçoit dans sa chambre et pourquoi faire. Et une fois que vous vous serez mis d’accord là-dessus, une fois que vous aurez fermé la porte, tout ce qui est derrière, c’est sa vie privée. Protéger la vie privée des enfants, et c’est ce que l’on dit avec Claire Hédon dans le rapport, c’est les aider à grandir, c’est les sécuriser. Et c’est très intéressant, les enfants s’étonnent même de cela : “Ah c’est vrai qu’on a une vie privée, il n’y a pas que les adultes qui ont une vie privée”. Je trouve ça formidable, quoi. Si on devait attendre 18 ans pour avoir une vie privée…

CR ? Je trouve ça extrêmement intéressant et ça enrichit ma réflexion et je suis sûr que ça enrichira la réflexion de tous les parents qui nous écoutent et de tous les non parents par ailleurs. C’est vrai qu’il y a aussi une autre dimension qui est importante je trouve, c’est celle qui a été légiférée en mai dernier, et je crois d’ailleurs que c’est dans la continuité de cette loi que les discussions actuelles se font, mais il y a aussi une question de travail des enfants sur les réseaux sociaux. Vous le disiez, vous parliez de mise en scène, ça c’est quelque chose que moi je ne fais pas, ma fille il est hors de question de la mettre en scène d’aucune manière que ce soit, mais c’est vrai que c’est quelque chose dont on l’avait préservée. 

ED ? Oui, c’est ce que l’on a appelé la loi Studer 2020, la Défenseure des droits avait été entendue dans ce cadre-là. C’était pour protéger les enfants d’influenceurs qui pouvaient être mis en scène et qui n’étaient pas protégés dans leur image, ça pouvait être une forme d’exploitation au fond, donc le législateur est venu lui donner un statut comme Les Enfants du Spectacle et notamment pour tous les enfants de moins de 16 ans.  

CR ? J’en profite pour dire à l’auditoire que si vous voulez réagir à notre discussion, à notre échange, que ce soit maintenant ou plus tard, vous pouvez utiliser le lien speakpipe qui sera en description, voilà j’informe mon invité (rires) que les gens peuvent réagir en audio dans le podcast, et on peut répondre dans le podcast, c’est toujours très intéressant. 

Dans votre dernier rapport, qui sera d’ailleurs en description du podcast, il y a différentes recommandations, qui sont toutes très intéressantes, y en a une qui attire mon attention c’est la recommandation 4, je vais la citer : “Inscrire le droit à une éducation non violente et l’interdiction des châtiments corporels et traitements humiliants dans le code de l’éducation, dans le code de la santé publique ainsi que dans le code de l’action sociale et des familles.” Donc moi si je comprends bien, ça veut dire qu’aujourd’hui la loi qui interdit les violences dites éducatives ordinaires elle ne s’applique qu’aux parents. 

ED ? Tout le monde a bien conscience qu’en théorie, l’éducation devrait se faire sans violences. Mais quand on regarde précisément cette question des violences éducatives ordinaires, faut se rappeler, en 2019 et les mois et les années précédentes du combat de certains parlementaires, de la ministre Laurence Rossignol et c’était pas simple, cette loi est arrivée en 2019, la Suède l’avait voté en 1979. Et elle vient dire effectivement, c’est l’article 371-1 du code civil, que l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Le code de l’action sociale et des famille lui, j’ai repris l’article, il indique juste que les assistants maternels doivent être initiés à la prévention des violences éducatives ordinaires, mais en tant que Défenseurs des enfants, on voit bien que les droits de l’enfant ne s’arrêtent pas, ne se perdent pas quand on rentre à l’école, quand on rentre dans un club de sport, au centre aéré, à l’hôpital, toute collectivité ou tout lieu de passage. 

CR ? C’est ce que vous disiez tout à l’heure, si je peux me permettre, c’est que c’est pas un temps il est élève, un temps il est sportif, c’est un statut d’enfant qui est permanent. 

ED ? Exactement. Hier c’était la journée du droit des femmes, le rappel encore une fois de ce combat permanent sur la violence faite aux femmes, et je dirais que elle décrit à juste titre une société encore très patriarcale. Vous parliez de puissance paternelle tout à l’heure qui date de 1970, c’est encore très récent. Et nous avons du mal à la quitter, culturellement. Et c’est ça le comité du droit de l’enfant, ça s’inscrit dans le droit. Et c’est pour ça qu’il faut enseigner le droit aux professionnels et sensibiliser les enfants. Le comité des droits de l’enfant vient veiller à ce que les États signataires respectent les lois, il entend régulièrement les pays. Cette année la France est entendue dans le cadre du 6e examen de la convention internationale des droits de l’enfant, 6e examen de la France, et avec la Défenseure des droits nous avons été entendus par ce comité pour que le comité ait aussi les propos d’une autorité administrative indépendante. Et ce comité a un autre rôle : depuis 1989 il vient régulièrement rappeler les évolutions de la société, il a rappelé que l’éducation se fait sans intimidation, sans isolement, sans menaces, sans violences psychologiques, il le rappelle régulièrement. Encore une fois, les violences sont insupportables, et les violences graves c’est insupportable. Mais les violences graves on a le sentiment au fond que ça n’arrive qu’aux autres. Ce sont les autres adultes qui sont concernés, jamais soi. D’un point de vue construction de l’enfant, il n’y a pas de hiérarchie dans les violences. Les neuroscientifiques, les psychologues, etc. le savent très bien : marquer un enfant, l’humilier, c’est le rabaisser, on sait bien qu’un enfant qui ne va pas bien aura des difficultés d’apprentissage, fera peut-être un adulte qui ne va pas bien. Je dis souvent que peut-être que la société irait mieux si on s’était occupés de certains adultes pendant qu’ils étaient enfants. Et ces violences éducatives ordinaires, elles font le lit encore une fois, des autres violences. Et c’est pour ça que le comité vient rappeler. C’est une question d’abord de droit. 

CR ? Alors du coup, ce que j’entends moi c’est que pour l’instant en tout cas, cette loi là ne s’applique pas par exemple à l’école ou au club sportif ?

ED ? Bien-sûr que toutes les violences aux enfants sont interdites, les violences éducatives ordinaires, elles sont difficiles parfois à définir, mais au fond, c’est pour un enfant qui est une éponge et qui absorbe, qui est d’une sensibilité incroyable, qui absorbe les choses formidables comme il absorbe les choses les plus dramatiques. Déjà, ne pas prendre en compte sa parole, ne pas l’écouter, c’est déjà une violence éducative ordinaire, parce qu’on ne va pas le doter de moyens de grandir. Je dis souvent (j’invite vraiment les auditeurs à lire ce bouquin récent de Philippe Meirieu et Abdennour Bidar “Grandir en humanité”). Et ils rappellent cette phrase qui paraît d’un bon sens incroyable : si on devait attendre que le bébé sache parler pour lui parler, eh bien il ne parlerait jamais. C’est sûr que si l’on ne parle pas à son bébé, il ne parlera jamais !

CR ? (Rires)

ED ? Et que donc quand les enfants grandissent, si on ne débat pas avec eux, eh bien ils ne débattront pas. Et, toujours en lien avec l’autorité parentale et la puissance paternelle, beaucoup trop d’adultes ont peur qu’au fond si on écoute les enfants, il y ait une inversion du pouvoir. Mais aujourd’hui quand on voit toutes les violences, quand on voit tout ce qui se passe on peut s’inquiéter à juste titre pour les enfants. Et comment on doit les aider à s’ouvrir vers, à s’émanciper, pour qu’ils se débrouillent sans nous à un moment donné ? Eh bien il faut leur donner le courage de prendre la parole. Donnons le courage aux enfants de prendre la parole. C’est ça qui est fondamental. 

Dans le cadre du harcèlement scolaire, nous devons nous interroger sur les origines des violences entre enfants, d’où elles viennent ? Nous sommes aussi saisis de violences commises sur les enfants par des adultes, et je peux vous assurer quelque chose : dans le cadre de ces violences scolaires, c’est toujours quand l’enfant est en maternelle ou en primaire. C’est pas quand il est au lycée et qu’il fait 1m80. Donc cette suprématie du corps qui fait qu’on perd patience, c’est autre chose que de contenir, de tenir ensemble votre enfant de 4 ans pendant qu’il traverse la route. Là, quand on n’est pas écoutés, pas entendus, on est en colère un peu contre soi, on n’a pas trouvé la manière de dire, de faire, eh bien on va encore une fois pincer, tirer les cheveux, tirer les oreilles, parfois frapper. Et ça, on sait aujourd’hui tous les dégâts que ça cause. Ça ne veut pas dire pas de limites, mais trouvons les moyens de produire des limites, et ça, ça se fait dès le plus jeune âge des enfants. 

CR ? Eh bien justement, vous évoquez les violences éducatives avec des mots que j’aime beaucoup. Mais c’est vrai que l’on entend souvent dire qu’il y a violences et violences, quand même. Est-ce qu’à un moment un coup de ceinture c’est différent d’une brimade, est-ce que c’est différent d’un isolement ? Est-ce qu’au regard des droits de l’enfant, il y a une différence ? Est-ce que la convention internationale des droits de l’enfant et les travaux du comité sont seulement faits, comme on peut le lire, pour les pays en voie de développement où il y a apparemment des violences dramatiques (il y a un petit côté colonialiste dans cette vision des choses) ? Ce sont des choses qu’on peut lire, qu’en fait ça ne s’applique pas à la France, car en France, il faut surtout s’occuper des enfants qui sont frappés, qui sont abandonnés, avec des violences qui sont considérées comme graves, et que du coup s’occuper des violences éducatives ordinaires, c’est invisibiliser ces problèmes-là.

ED ? C’est très intéressant cette comparaison avec les autres pays parce que… je vais prendre un exemple très concret sur la manière dont nous considérons nos enfants. Il n’est pas rare aujourd’hui qu’un département crée un collège, sorte un collège de terre, un magnifique collège. Et dans ce collège, vous allez avoir une énergie positive, un toit végétalisé, de la lumière, du vitrage, du bois, c’est vraiment très joli. Et vous allez en salle informatique et vous allez avoir le dernier cri en matière de fibre. Et puis vous allez dans les toilettes, et ce sont les mêmes toilettes qu’à votre époque ou la mienne. Les couleurs ont un peu changé mais l’organisation est la même. On a sans doute été beaucoup de parents à récupérer nos enfants à l’école maternelle, et la première chose qu’ils font le soir quand vous leur demandez comment s’est passée la journée, ils vous répondent pas et quand ils arrivent à la maison ils vont aux toilettes parce qu’ils se sont retenus toute la journée. Il y a plein d’enfants qui ne vont pas aux toilettes à l’école. Et s’ils y vont, c’est souvent juste pour faire pipi, parce que les enfants ont bien compris qu’il faut se protéger et puis ils n’ont pas envie que leur intimité soit à la vue de tout le monde. Dans ces toilettes tout est ouvert, tous les adultes peuvent venir voir comme ça, enfin vous vous rendez compte. Et au collège, les toilettes sont parfois des zones de non droits, car il s’y passe des violences, il s’y passe diverses consommations, il n’y a pas toujours assez de places d’ailleurs. Beaucoup de jeunes filles nous ont dit qu’elles se sentaient jumiliées de devoir se justifier de pourquoi elles demandent les toilettes des professeurs pour avoir un peu d’intimité. 

En quoi les progrès humains ne vont pas assez vite ? Donc ces violences éducatives, les parents chez les tout petits constatent parfois des infections urinaires, d’autres vont dire “mais en fait l’instit me dit que mon enfant n’apprend pas bien”, eh bien oui mais il se retient toute la journée, il a des problèmes de concentration. Quand je dis ça je ne dis pas que c’est la faute des adultes individuellement, c’est une faute collective, c’est un éco système que nous n’arrivons pas à penser en matière de progrès. Alors ça bouge, du côté de l’éducation nationale. Il y a aussi le cloisonnement entre les collectivités territoriales et l’État sur ces questions d’école (ça m’amène à d’autres réflexions, notamment sur les questions de handicap où les enfants ont des AESH qui dépendent des heures de l’éducation nationale et on ne pense pas au parcours, on ne pense pas à la rupture, parce que c’est une entrée par celui qui finance), donc toutes ces violences institutionnelles au fond, je ne culpabilise pas du tout les parents à ce sujet-là. Mais, le comité des droits de l’enfant nous rappelle dans l’article 19 de la convention internationale des droits de l’enfant, de lutter contre toutes les formes de violence. On a bien compris que l’éducation, ce n’est pas du dressage. Alors par contre, on est un peu en peine : comment met-on des limites à nos enfants ? Eh bien on met des limites à nos enfants déjà quand ils sont tout petits, en les sécurisant. Les spécialistes parlent beaucoup mieux que moi de ces choses mais : la théorie de l’attachement. Sécuriser le périmètre.

CR ? Si je peux me permettre, puisque c’est un sujet que j’ai un peu travaillé, ce que l’on peut retenir et que l’on doit retenir c’est qu’il y a un vrai gap qui se fait : avant on pensait, pourquoi est-ce qu’on veut que les enfants obéissent un petit peu, c’est généralement pour que nous nous soyons un peu soulagés, et donc on est en recherche de leur autonomie, et on a pensé que leur autonomie venait de l’obéissance sauf qu’en fait aujourd’hui on le sait, l’autonomie vient de l’attachement. Plus on les aura sécurisés, comme vous le dites, plus derrière ils vont partir en autonomie, plus ça va être facile pour nous, parents. 

ED ? C’est évident ! Pourquoi la puissance parentale, le “oui, non”, ce n’est pas ce que l’on considérait, l’enfant c’était celui qui ne sait pas, celui qui n’a pas d’âme. Éduquer c’était redresser ce qui est tordu. J’aime bien l’image qui est un peu japonisante du jeune arbuste, si vous ne lui mettez pas de tuteurs, il ne va pas pousser droit. Et à 15 ans, vous le cassez si vous le redressez. Et par contre, le tuteur il fait ça, il s’éloigne au fur et à mesure que l’arbre prend son épanouissement. Cette image me plaît parce que, il ne s’agit pas de dresser, il s’agit d’éduquer, de respecter l’enfant et encore une fois de lui reconnaître ses droits fondamentaux.

CR ? Donc, quand on entend dire que finalement, toutes ces histoires de violences éducatives ordinaires c’est quand même un peu de la connerie, que ce dont il faut s’occuper ce sont des violences dites plus graves, des coups et blessures, des enfants qui finissent à l’hôpital. Vous disiez tout à l’heure que les VEO sont le terreau qui amènent ces violences-là, est-ce qu’on ne peut pas parler d’un continuum des violences envers les enfants qui permet de valider des comportements de plus en plus violents ?

ED ? En tout cas, il existe des études sur la reproduction des violences, des études sur le fait que un enfant qui n’a pas été sécurisé et protégé (je pense à la protection de l’enfance et aux travaux du Docteur Rousseau mais je pense à d’autres) qui disent que c’est une aberration pour le développement de nos enfants, pour l’insécurité et pour le coup pour la société après en matière de troubles somatiques, de prise en charge sociale, etc. Donc protéger les enfants me paraît fondamental. Et alors, bien entendu que la société évolue. Encore une fois, les pressions faites aux adultes, aux parents, aux familles, il n’y a pas qu’une parentalité, il y a des parentalités. Il y a la monoparentalité, il y a les familles recomposées, l’homoparentalité, il y a toutes les parentalités. Il n’y a pas de jugement de valeur dans ces parentalités, mais il peut y avoir des moments de solitude, des moments où on n’a pas de relais. Les parents ont cette pression-là, et en plus, beaucoup de parents et parfois à raison, vont avoir peur de demander de l’aide. On va stigmatiser, culpabiliser parfois même certains, sur les questions par exemple de services publics de la petite enfance : “Oh la la, je vais peut-être avoir une information préoccupante”. C’est une vraie peur, et notamment les familles en situation de grande précarité et pauvreté, celles qui sont éloignées de leurs droits. Donc c’est fondamental cette question de soutenir toutes ces formes de parentalité et surtout, comment les adultes doivent pouvoir retrouver, passer du temps avec leurs enfants, ça me paraît fondamental.

CR ? Je suis totalement d’accord. Tout à l’heure quand vous évoquiez les violences éducatives ordinaires; on a parlé de menaces, on a parlé d’isolement. En France aujourd’hui il y a un débat médiatique sur le fait d’enfermer un enfant dans sa chambre avec la formule qu’on connaît bien toutes et tous : “file dans ta chambre”, qui serait quelque chose d’apprenant (je renvoie l’auditoire à mon épisode avec Alan Kazdin pour constater que cela n’a rien d’apprenant), mais donc même vers 10/12 mois on enfermerait un enfant dans sa chambre pour le punir. Le service public d’ailleurs fait la promotion de cette pratique, que ce soit sur France 2 ou sur France Inter. Mais du point de vue des droits de l’enfant, du coup, enfermer un enfant dans sa chambre dans le but de le punir, c’est quoi, c’est OK, pas OK ?

ED ? C’est une aberration. C’est même moi je crois un rétropédalage. Au fond, la société évolue, les parents et les adultes ont une pression incroyable, dans une société de crises multiples. Ecoutez les ado, écoutez cette génération d’ado, qui heureusement pour la grande majorité va bien. Mais que nous disent les ado ? Nous, on grandit dans un monde de crises multiples : crise sanitaire, crise écologique, peur du déclassement, la guerre à nos portes, le terrorisme, et on n’a jamais eu autant besoin d’être sécurisés par les adultes. Donc les adultes vivent aujourd’hui ces pressions et parfois ont peut-être moins de filtres pour ne pas transmettre ces angoisses. Vous avez pris l’exemple d’un enfant de 10 mois, on sait bien que la dimension affective est éminemment importante, le plus grand et le plus beau vecteur c’est le jeu. Un enfant se socialise par le jeu. On sait bien qu’un enfant à cet âge-là a les limites par, d’une part des rythmes circadiens, le sommeil, l’alimentation, la question du bruit, de l’environnement mais d’autre part par la question du jeu. Et donc envoyer un enfant dans sa chambre c’est simplement parce qu’on ne trouve pas d’autres solutions. C’est complètement différent de l’adolescent qui lui, lorsqu’il est en désaccord dit : “Je vais dans ma chambre parce que je sais que c’est mon lieu, mon espace, et que je m’y protège et je sais que là le passage au mot n’est plus possible, mais c’est mon espace et tu respectes cet espace-là”.

CR ? Et c’est même plutôt une réussite finalement si l’adolescent dit de lui-même qu’il a besoin de s’isoler dans sa chambre.

ED ? Bien-sûr ! Ça montre que la chambre n’est pas un lieu de sanction. Après je fais énormément confiance aux pédagogues, aux psychologues, aux professionnels du soin, de la santé, de l’éducation, pour dire qu’au fond, c’est un non sens. Aidons les parents à trouver du temps, que la société, les services publics de la petite enfance s’adaptent. La question de l’accès à l’école, la question du temps, la question de la disponibilité des congés parentaux, toutes les questions que la Défenseure des droits de l’enfant rappelle énormément sur les discriminations, notamment des mamans quand elles reviennent au travail, qui perdent leur place, leur statut, avec parfois une baisse de salaire, etc. Reconnaissons la parentalité, sécurisons la parentalité, et octroyons du temps aux adultes. Les adultes ont le droit d’être fatigués, ils ont le droit d’être en colère en rentrant d’une journée de travail, mais un enfant aussi. 

CR ? Ça me rappelle Marion Cuerq qui disait dans mon podcast que c’est difficile d’être un parent mais c’est aussi difficile d’être un enfant, et que ce n’est pas en s’opposant comme ça que l’on va réussir.  Et je vous remercie de souligner aussi le fait qu’il y a des questions politiques et sociales en effet qui sont en jeu. Vous parliez des congés paternité/maternité/parentaux, c’est en effet pour moi un des premiers leviers. Pourquoi est-ce que j’ai précisé “punitive”, parce que vous parliez tout à l’heure de l’intérêt supérieur de l’enfant, je voulais juste proposer une… parce que c’est une notion qui est mouvante, c’est ça qui est compliqué peut-être dans son appréhension. C’est que, par exemple, imaginons que j’enferme mon enfant dans sa chambre parce que je suis seul.e, je suis le seul parent, je n’ai pas de contacts, je n’ai pas de relais, et je pète un câble, je deviens dangereux pour mon enfant. Si là je le mets dans sa chambre, c’est potentiellement une mise en sécurité, vous voyez ? Vous allez me dire si l’on se trompe ou pas, mais ça je pense qu’il est important que les parents comprennent cette nuance : on n’est pas dans un exercice du pouvoir de l’adulte sur l’enfant, au contraire, c’est plutôt : “je sens que le danger c’est moi et je protège mon enfant”. Est-ce que ça, c’est une vision qui vous paraît cohérente ? 

ED ? Avant d’être Défenseur des enfants j’ai été directeur d’un établissement de protection de l’enfance, c’était au siècle dernier donc ça remonte, mais j’ai été éducateur. On sait bien que le vivre ensemble ça peut être compliqué, on sait bien qu’à un moment donné l’espace contraint et géographique nous met une pression, parce que là on n’est pas d’accord, mais ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord que l’on ne s’apprécie pas, qu’en tant que parents et enfants on ne s’aime pas, mais que le temps des uns n’est pas le temps des autres à ce moment-là, et que donc… alors bien entendu ça dépend de l’âge des enfants, mais certains vont trouver des échappatoires, il faut des échappatoires, il ne faut jamais forcer ou acculer, ça peut être aller jouer dans le jardin, aller sur le balcon ou même sortir, ça peut être complètement la curiosité éducative “bon viens on va faire autre chose”. Alors bien-sûr certains parents peuvent se dire : “Oh la la, mon enfant n’obéit pas et je le récompense”, mais là on parle de petits, dont la principale sécurité réside dans l’affection. Là encore les psychologues en parleront mieux que moi mais limiter l’angoisse de séparation liée à l’idée que “tu ne fais pas partie de moi nous sommes deux entités, nous sommes deux personnes”, ça peut être inquiétant, l’enfant peut se dire “je vis tout seul”. Mais à cela on peut répondre : “C’est ça qui doit se passer pour que tu sois autonome quand tu seras grand, mais je vais te sécuriser, je vais respecter tes droits fondamentaux, ta santé, ton éducation, je vais lutter contre toutes les violences”. Mais, effectivement, je peux faire des erreurs, on fait tous des erreurs. Mais je vais t’expliquer, là oui j’étais en colère, mais tu sais ensemble on va faire en sorte que la prochaine fois ça ne se passe pas comme ça, il faut que l’on trouve. 

CR ? Je vous remercie de prendre cet exemple-là très précis parce qu’en plus je trouve que c’est une formidable opportunité de transmettre par exemple à nos enfants comment on peut faire de la résolution de conflits, comment est-ce que l’on peut reconnaître que l’on a eu un comportement inadapté et comment est-ce que l’on peut évoluer.

ED ? Regardez les enfants entre eux quand ils sont petits, c’est extraordinaire, dès qu’ils ont l’altérité, la reconnaissance de la différence, c’est pas un problème. Des enfants de 3, 4 ans vont jouer avec un autre enfant qui est à besoins particuliers, en situation de handicap, etc. et ils vont être très soutenants. 

CR ? Même en termes de résolution de conflits souvent c’est nous qui intervenons, qui nous inquiétons alors qu’en fait ils se débrouillent très bien.

ED ? Alors forcément, aujourd’hui, les parents ont une autre pression, maintenant, les enfants grandissent et il y a un téléphone portable par habitant ou quasiment. Il y a la question de l’exposition aux écrans, la question des activités, la question des adolescents qui ont parfois des problèmes somatiques (surpoids, etc.) qui ont une image d’eux négatives, beaucoup trop négatives alors qu’ils sont extraordinaires. Donc ce sont toutes ces questions-là qu’il faut préparer, tout ce qui se passe dans l’enfance, et il suffit de retourner et de regarder la nôtre. Une enfance “réussie”, heureuse, c’est quand on a eu de l’insouciance, parce qu’on avait le temps, parce qu’on se rappelle des choses. Et après quand on rentre dans la vie active on se dit “Oh la la, le travail c’est le temps qu’on n’a pas”. Encore une fois, les violences faites aux enfants sidèrent, marquent psychologiquement. Et n’oublions pas qu’avant chaque violence physique…

CR ? Je me permets de rajouter pour les parents qui nous écoutent, que l’on parle de violences répétées. Comme vous l’avez très justement souligné, ce n’est pas parce que l’on va craquer une fois, quelques fois, qu’on va traumatiser notre enfant à vie, ce n’est absolument pas le propos.

ED ? C’est évident ! Mais à toutes les violences physiques préexistent des violences psychologiques. 

CR ? Alors maintenant allons vers les solutions, vu que vous connaissez bien le sujet. Pour vous, s’il y avait 2 ou 3 actions prioritaires à mener au niveau des institutions sur le sujet des droits de l’enfant, des violences faites aux enfants, ça serait quoi ?

ED ? Ça serait de former les professionnels de manière transversale. Moi je crois fondamentalement, aujourd’hui, qu’il devrait y avoir un tronc commun de formation d’un instit, d’un éducateur, d’une infirmière, d’un médecin, d’un magistrat, etc. Un tronc commun sur le développement et le droit des enfants, ça me paraît fondamental. La connaissance de la convention internationale des droits de l’enfant de façon parcellaire, n’est pas suffisante. La reconnaissance et le soutien, le soutien entre adultes, à la parentalité, à l’éducation, la prise en compte de la parole des enfants. Je crois que faire participer les enfants, les consulter, c’est un acte éminemment démocratique. Et encore une fois ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas le droit de vote que leur voix ne compte pas. Il faudrait peut-être s’inquiéter du fait que beaucoup de jeunes ne votent pas à 18 ans. Peut-être que si on les avait fait participer avant, les choses seraient différentes. La formation, la prise en compte de la parole de l’enfant (alors ça va par le développement des compétences psychosociales, comment réagir dans telle situation, etc). Mais ça se fait dans plein d’endroits. À l’école maternelle bien souvent les enfants sont installés en U et quand ils prennent la parole ils la prennent devant tout le monde, c’est extraordinaire. Donc ces deux choses me paraissent vraiment importantes. Et puis bien entendu, une vraie politique publique en matière de décloisonnement des institutions, car c’est insupportable. Je crois que dans toutes les saisines que nous recevons ici en matière d’enfants, à un moment donné on va percuter sur deux institutions qui n’ont pas pu, qui n’ont pas su se mettre d’accord. Alors là je parle sur des situations de grande vulnérabilité. Et comment, plus les enfants sont vulnérables, plus ils sont objets, objets de droit, objets de prise en charge plutôt que sujets de prise en compte.  

CR ? Vous l’avez un petit peu évoqué tout à l’heure et c’est vrai que vous parlez dans les mesures qui sont prises. Moi je pense forcément aux parents, et j’ai une conviction, je pense que le respect, le développement, la formation et l’accompagnement sur les droits de l’enfant c’est un levier majeur justement vers un développement des droits des parents. Et globalement, des droits de tout le monde. Est-ce que justement dans ces accompagnements on pourrait aussi penser au fait que les parents pourraient peut-être avoir… vous avez évoqué les congés parentaux, moi je pense à une préparation à la parentalité prise en charge et gratuite, la rupture de l’isolement parce qu’en post partum c’est ça aussi qui peut se révéler compliqué, ça touche évidemment plus souvent les mères en plus, il y a un vrai problème d’égalité de genre dedans, est-ce que vous pensez que l’on pourrait concevoir les choses sous cet angle-là, que justement l’exigence des droits de l’enfant permet d’ouvrir des droits aux autres ?

ED ? C’est une évidence. Je dis souvent que si on considérait mieux les enfants dans notre société, on considérait mieux ceux qui s’en occupent. Dans les crèches, dans les PMI, parmi les éducateurs, les instits, les enseignants, les parents…c’est une évidence. Moi je suis le Défenseur des enfants, ma mission est déjà tellement grande, tellement importante et formidable que je suis prudent sur les autres recommandations que je peux faire, mais bien entendu qu’on sait bien que lutter contre les discriminations, lutter contre la pauvreté, contre la précarité, lutter contre l’isolement, lutter contre l’éloignement du service public et de nos concitoyens, des personnes, permettra bien entendu de rendre les parents disponibles. Les enfants disent quelque chose de chouette :”Nous, c’est comme le climat, tout le monde en parle mais ça ne bouge pas vite”.

CR ? Pour terminer, pour les parents quand même qui nous écoutent et qui éprouvent des difficultés dans leur parentalité malgré une immense bonne volonté d’accompagner les enfants dans le respect, dans la bienveillance et de respecter leurs droits, qu’est-ce que vous avez envie de leur dire ?

ED ? J’ai envie de dire que tous les parents se sont posé la question, ce n’est pas les bons parents d’un côté et les mauvais de l’autre. La grande majorité des parents a une intention bonne de bien éduquer, sauf que pour des raisons qu’on a rappelées tout à l’heure d’isolement, de lassitude, de fatigue, d’incompréhension, quand votre enfant ramène des mauvaises notes ou quand les institutions renvoient des choses aux parents de façon parfois pas très agréable… On a tous été parents, et on est tous parfois professionnels et même dans l’éducation où l’on se dit : “Oh la la, quand je suis de l’autre côté c’est plus compliqué quand même”, ça c’est important que vous puissiez en parler; parlez-en avec votre enfant, parlez-en entre vous, parlez-en. Il faut remettre du lien social, remettre de l’association qu’elle soit amicale, organisée. Je parlais de soutien, eh bien là il y a un effort considérable dès la petite enfance, de soutenir toutes les parentalités, considérer cela comme un apprentissage normal et pas comme une défaillance ! C’est pas parce que je demande de l’aide que je suis défaillant, c’est quoi cette idée que dès que ça ne va pas ou que l’on exprime les choses… On a le droit d’être en colère, on a le droit de dire “mais ça m’énerve !”. Mais, par contre, il faut que l’on garde, dans cet intérêt supérieur de l’enfant, la maîtrise de nos gestes, etc. il faut en avoir conscience. Je crois beaucoup, moi, que le passage à l’acte intervient quand le passage aux mots n’est pas possible. Je dis “n’attendons pas que les enfants soient victimes ou qu’ils passent à l’acte pour enfin se sentir obligés de les écouter”. Il y a quelque chose aussi de cet ordre pour les parents, les jeunes parents et tous les parents en général. Donc tout le monde n’a pas de soutien, il y a des familles qui sont seules, il y a des familles qui ont des situations professionnelles très angoissantes, des inquiétudes. On sait que tout ça aura des répercussions sur les violences potentielles ou les maladresses intra familiales. Prenez le temps de faire les choses avec vos enfants. Et que la société, que la puissance publique soutienne. Que les services publics de la petite enfance soient en proximité, quand l’école est éloignée, que les services de santé sont éloignés, quand la PMI est éloignée, quand vous êtes angoissé parce que votre enfant souffre, est malade et que vous n’avez pas de médecin à cause des déserts médicaux, etc. Ce sont toujours les plus fragiles qui sont au bout de la chaîne, ce sont toujours les enfants. 

CR ? Merci beaucoup, M. le défenseur des enfants. 

ED ? Merci à vous. 

CR ? Je vous remercie de m’avoir écouté, je vous invite à vous abonner au podcast sur votre plateforme préférée et à me retrouver sur Instagram, TikTok, Facebook et sur le blog papatriarcat.fr. À bientôt.